Actualités

Colloque du Club Landoy pour la Journée nationale des aidants - Discours de clôture

J'ai été invitée par le Club Landoy vendredi 6 octobre à l'occasion de leur évènement dans le cadre de la Journée nationale des aidants. Organisé en lien avec le collectif "Je t'aide", ce colloque "Aidons les aidant.es à prendre soin d'eux et elles" nous a permis de questionner une nouvelle fois le rôle des aidants et son évolution. J'ai pu clôturé cette journée qui se tenait au siège du Conseil économique, social et environnemental. 

Voici mon discours : 

Bonjour à tous ! 

J'ai envie de dire bonjour à toutes. Parce qu'il y a ici essentiellement des femmes. Comme si ce sujet ne les concernait qu’elles. C'est peut-être une partie du problème… Je n'avais absolument pas prévu de parler, j’étais venue en tant qu'amie, en soutien et en remerciements au Club Landoy et au collectif Je t'Aide. 

 J'ai été aidante familiale, après que mon mari soit tombé très gravement malade. Dans le choc de vie qui nous a traversés, ma famille et moi, on s'est dit qu'on avait malgré tout de la chance. De la chance de s'aimer et d’être famille unie. De la chance d'avoir une surface financière pour pouvoir être secondés par des aides à domicile qui prennent soin de mon mari, atteint d'une maladie neurodégénérative et dont il fallait s'occuper de lui nuit et jour. Et de la chance enfin d'exercer à l'époque des responsabilités dans une entreprise qui me permettait de pouvoir aménager mon temps. Malgré cette chance, je me reconnais pleinement dans ce qui a été dit ici, dans cette difficulté de parler et de ne pas être vue simplement comme un aidant. Mes enfants partagent également cette difficulté de ne pas être vus comme enfants de quelqu'un de malade. Comme ma fille de quinze ans le disait, « je n'ai pas envie qu'on nous prenne en pitié ». 

Aussi je me reconnais parfaitement dans beaucoup des témoignages d’aujourd’hui. L’expérience de l’aidance est une épreuve qui nous transforme. Je sais que je ne ferais pas de la politique de la même manière si je n’avais pas été aidante familiale, je sais que je n'aurais pas été chef d'entreprise de la même manière si je n’avais pas été aidante familiale. Cette expérience donne le courage de regarder les vulnérabilités en face. Or la manière dont on s'adresse aux personnes vulnérables dit beaucoup de choses de nous en tant que personnes, mais aussi en tant que société. Tout cela m'a permis de comprendre qu'il y a une forme de « chaîne de la vulnérabilité », de chaîne de la fragilité. 

Il y a la personne fragile, il y a l'aidant familial – l'aidant fait d'amour et de travail comme le disait la sémiologue Mariette Darrigrand – et il y a l'aidant professionnel. Dans la manière dont les choses sont organisées aujourd'hui, on plaque fragilité sur fragilité sur fragilité. Il y a la personne intrinsèquement fragile, qu'il faut regarder, qu'il faut aimer, qu'il faut reconnaître, à laquelle il faut donner le soin mais également l'envie de continuer à trouver un sens, pour la libérer de ce sentiment de culpabilité d’être une charge pour sa famille. Il y a la vulnérabilité de l'aidant familial, son isolement, sa façon de prendre soin de lui ou pas... 

Et puis il y a la vulnérabilité de l'aidant professionnel à travers les questions de statut, de rémunération, de reconnaissance sociale des aides à domicile et des soignants. Tout cela dit beaucoup d'une société. Ça dit beaucoup d’une société, encore une fois, la façon dont on considère ceux dont le travail est de s’occuper des autres. Certains choisissent finalement cette fonction par défaut alors que c’est une des plus belles missions du monde. Cela nécessite de trouver un nouvel équilibre entre l'État, qui ne peut pas tout faire, la responsabilité particulière des aidants qui sont aussi des aimants, et puis le rôle des entreprises – 4 millions d’aidants sont des salariés. Je suis législatrice et vais donc vous parler de ma fenêtre de modeste députée de Paris, élue depuis simplement un an. Je pense que l'État a un rôle majeur dans l'organisation de cette chaîne de vulnérabilité. D’abord vis-à-vis de l'aidant familial qui se retrouve souvent en première ligne parce qu'il n'a pas les aides qu'il faut, parce qu'il n'y a pas les professionnels qu'il faut, parce qu'il ne sait pas à quelle porte frapper. 

Clairement, on n'est pas non plus au rendez-vous pour ce qui concerne les aidants professionnels de personnes âgées, d’enfants, d’adolescents ou jeunes adultes en situation de handicap. Je suis certes députée de la majorité présidentielle. Mais je suis aussi d'origine scandinave et quand je nous compare avec ce qui existe dans les pays d'Europe du Nord, on n'a pas les mêmes investissements massifs, on n’a pas la même reconnaissance des aidants professionnels ni la même capacité à les former. Or ces aidants professionnels nous permettent à nous, aidants familiaux, d'être dans l'amour au lieu d’être en toute première ligne quand ce n'est pas nécessairement notre choix ou quand on a des responsabilités par ailleurs – quand on est par exemple jeune parent et qu’on doit être aussi aidant. L'État a aussi une responsabilité dans la prévention de la perte d'autonomie ou dans l'insertion via l'école inclusive. 

Même si l’on a fait beaucoup ces derniers temps, la situation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) reste difficile. L'État a une responsabilité dans l'adaptation du domicile quand c’est nécessaire. Enfin les entreprises ont une responsabilité et je salue la Poste, Axa, Véolia, qui sont vraiment des entreprises modèle vis à vis de leurs salariés aidants et comprennent les nouveaux besoins. Quand l'État imagine des choses autour du congé de proche aidant, ça ne convient pas nécessairement à toutes les situations, comme prendre une demi-journée pour aller accompagner son mari, sa maman, son papa ou son enfant - pour les séances de chimiothérapie, par exemple. C’est plutôt pensé comme des congés pris, mais ça ne prend pas plus en compte ce besoin parfois de se libérer quelques heures, le besoin de flexibilité. Cet équilibre entre État, entreprises et personnes dit beaucoup de choses de notre choix de société. 

Je constate qu’en Europe du Nord on investit beaucoup plus dans le collectif et moins dans les aides individuelles. Ça se voit dans les services de santé, ça se voit dans les infrastructures, qu'elles soient à domicile ou en institution ou à l'école. En France, on a fait le choix ces quarante dernières années d'investir plus sur l'individualisation des aides, sur les aides aux entreprises aussi, et beaucoup moins sur le réarmement de nos services publics et des métiers autour du care, du soin et du lien. Nous sommes également moins bon sur la reconnaissance. La société française dans son ensemble ne perçoit pas suffisamment ce que l’aidance veut dire en termes de technicité, en termes de gestion du stress, en termes de capacité à gérer quinze mille choses en même temps, quand il s’agit de tenir une famille en quelque sorte. Enfin, et cela a été dit, compter des aidants qui se reconnaissent comme tels au sein de ses équipes, c'est aussi faire entrer la question des vulnérabilités dans le champ de l'entreprise qui est a priori celui de la performance, du chiffre d'affaires, du résultat, etc. Prendre cette vulnérabilité en compte permet d’arrêter la fiction qui est que quand on rentre dans l'entreprise on endosse une armure et que tout ce qu’on vit à la maison est laissé à la maison. Non, c'est vie personnelle et vie professionnelle sont un continuum parce que nous sommes un continuum. 

 Sur la question de la reconnaissance sociale, concrètement, j'ai tout de même l'impression que parce que les femmes sont particulièrement impliquées dans le domaine de l’aidance, on suppose que c’est juste quelque chose d’un peu inné : on s'occupait des enfants alors on s'occupe maintenant de nos parents. C’est perçu comme de l'adjuvant, du complément, ce que disait très bien la sémiologue. Eh bien non ! Il y a un vrai savoir-faire technique quand il faut faire des transferts de personnes, quand il faut bien aider à manger pour éviter les fausses routes qui peuvent être un truc très stressant, c'est un vrai savoir-faire. Enfin il y a la valorisation des aidants et des aidantes. 

Ces personnes ne demandent pas être vues comme des saints ou des saintes mais demandent juste à être reconnues pour ce qu'elles apportent à la société et à leur entreprise. C'est un vaste travail. Sur ces choix politiques et collectifs, le choix français n’a pas été celui des mieux disant scandinaves et je pense qu'il faut en débattre. On pourra en discuter avec le Club Landoy qui est pour cela très structurant. J'ai confiance parce qu'il y a un consensus qui va bien au-delà des partis politiques. Je suis majorité présidentielle mais sur ce sujet de l’aidance familiale je m'entends bien avec un François Ruffin. On a envie de travailler ensemble pour poser un diagnostic commun et avancer. Je reste optimiste aussi parce que ce sont entre huit et onze millions de Français concernés qui peuvent mettre le sujet sur la place publique et faire bouger les politiques. Et moi je serai toujours à votre côté parce que je sais ce que c'est. 

 Des choses ont été avancées par la ministre aujourd'hui sur les jours de répit, sur la simplification des systèmes de baluchonnage, etc. Et tant mieux, parce que ça reste très compliqué. Beaucoup de dispositifs ont été créées pour mais il est très compliqué de pouvoir en bénéficier... Mais sachez qu'il y a maintenant une volonté transpartisane d'avancer là-dessus et que vous pouvez compter sur des députés, j’en fais partie, qui savent ce que ça veut dire. 

Merci à vous ! 

Le Monde - Tribune - Appel à une grande coalition républicaine au lendemain des élections législatives
9 juil. 2024
Retrouvez la tribune que j'ai signée dans Le Monde appelant à une grande coalition républicaine au lendemain des élections législatives
Le Figaro - Interview - Texte de loi sur la fin de vie
26 mai 2024
Retrouvez l'interview que j'ai donnée au Figaro sur le texte sur la fin de vie tel qu'il est en débat à l'Assemblée nationale à l'heure actuelle
Le Figaro - Tribune transpartisane - L'emploi des séniors
26 mars 2024
Retrouvez la tribune transpartisane que j'ai co-signée dans Le Figaro sur les solutions concrète pour la promotion de l'emploi des séniors